Les grands modèles d'entrainement
Découvre les quatre grands modèles d’entraînement en endurance et leur répartition d’intensité, pour mieux structurer ta saison et optimiser ta progression.
Jonas Darbellay
11/19/20255 min read
Quand on est coach, entraîneur, préparateur physique, responsable de la performance ou peu importe le titre que l’on choisit, la mission reste la même : apporter la juste charge d’entraînement à ses athlètes. Par “charge d’entraînement”, on entend le bon équilibre entre volume et intensité, un élément central pour construire une planification efficace, durable et… qui ne casse pas l’athlète.
Je laisse volontairement de côté ici les aspects nutritionnels, psychologiques et motivationnels (qui relèvent d’autres expertises) pour me concentrer uniquement sur la dimension physique de la planification.
Les composantes de la charge d’entraînement
Lorsqu’on parle de charge, deux paramètres majeurs sont à considérer :
1. Le volume
Il comprend :
la fréquence d’entraînement (nombre de séances par semaine),
la durée ou le kilométrage des séances.
Le volume est simple à quantifier. On parle en minutes, heures ou kilomètres (ou même dénivelé).
2. L’intensité
Plus subtile à monitorer, car elle dépend de différents paramètres :
fréquence cardiaque,
allure,
puissance (en watts),
RPE (ressenti subjectif),
et même d’autres indicateurs.
Pour apprécier correctement l’intensité d’une séance et donc la charge réelle d'un athlète, il est alors pertinent de connaître ses zones d’effort, et donc indirectement ses domaines d’intensité.
Les domaines d’intensité
D’un point de vue physiologique, on distingue trois domaines principaux :
Domaine 1 : basse intensité
On se trouve en dessous du premier seuil. Dans un modèle à 5 zones, cela correspond :
à la zone 1 (récupération active),
et à la zone 2 (endurance fondamentale).
Domaine 2 : moyenne intensité
On est entre les deux seuils. On y retrouve :
la zone 3, zone tempo (allures marathon à semi-marathon).
Certains entraîneurs y incluent également le bas de la zone 4.
Domaine 3 : haute intensité
On se situe au-dessus du deuxième seuil. Cela inclut :
le milieu/haut de la zone 4,
la zone 5 (VO₂max),
et même, à l’extrémité, les efforts maximaux de type sprint.
Pour un article détaillé sur les seuils, leurs adaptations physiologiques, je te renvoie vers : l’article sur les seuils et domaines d’intensité.
Une fois ce petit cadre posé, revenons à nos modèles d’entraînement.
Ces dernières décennies, quatre modèles principaux ont été étudiés et largement utilisés [1] :
Long Slow Distance
Polarisé
Pyramidal
Seuil
Et chaque modèle peut être décrit et analysé selon la manière dont le volume d’entraînement est réparti dans les trois domaines d’intensité. Je ne reviendrai pas ici sur la façon dont ces pourcentages ont été établis (basés sur la FC, l'allure, le RPE, autres ?!) , parfois discutable ou insuffisamment documentée, ce serait un autre débat.
1. Long Slow Distance (LSD)
Répartition du volume :
Basse intensité : 90 à 95 %
Moyenne intensité : 5 à 10 %
Haute intensité : 0 %
Popularisé dans les années 70 par Ernst Van Aaken, ce modèle repose presque exclusivement sur un volume très important à basse intensité. L’idée : éviter la fatigue excessive et réduire le risque de blessure. Aujourd’hui, ce modèle est surtout utilisé : chez les débutants, les personnes en reprise d’activité, ou éventuellement chez les athlètes d’ultra endurance (dont les compétitions se déroulent presque entièrement en basse intensité).
2. Modèle Polarisé
Répartition du volume :
Basse : 75 à 80 %
Moyenne : 0 à 5 %
Haute : 15 à 20 %
Popularisé par Stephen Seiler dans les années 2000, c’est un modèle qui répartit l’entraînement aux deux extrémités : beaucoup de basse intensité, une part significative de haute intensité, très peu (voire pas du tout) de moyenne intensité. Ce modèle a été fortement mis en avant pendant plusieurs années, notamment grâce à ses résultats positifs chez des athlètes amateurs et professionnels. Cependant, il faut noter que la majorité des études comparant le modèle polarisé à une autre structure d’entraînement utilisaient des tests favorables au polarisé :
Test de VO₂max,
tests proches du maximal,
chronos sur 5 km.
Ce type de test avantage logiquement un modèle exposé à la haute intensité. Une comparaison sur des distances variées (5–10 km, semi, marathon, half, Ironman, trail…) offrirait une vision plus complète et moins biaisée des résultats.
3. Modèle au seuil
Répartition du volume :
Basse : 60 à 65 %
Moyenne : 30 à 35 %
Haute : ~ 5 %
Très popularisé dans les années 1990, ce modèle mise sur une grande part de moyenne intensité pour habituer l’athlète au rythme compétitif (marathon, semi). Il a ensuite été délaissé au profit du polarisé et du pyramidal, bien qu’il continue de très bien fonctionner chez des athlètes élites. Certaines critiques soulignent qu’un volume trop important à moyenne intensité pourrait toutefois générer une fatigue chronique excessive, ou limiter le développement optimal des filières énergétiques.
4. Modèle pyramidal
Répartition du volume :
Basse : 75 à 80 %
Moyenne : 10 à 15 %
Haute : 5 à 10 %
Le modèle pyramidal est peut-être un compromis entre le seuil et le polarisé. Il conserve beaucoup de basse intensité, mais répartit le reste entre moyenne et haute intensité. Il est particulièrement intéressant pour les courses longues (semi, marathon) ou les athlètes recherchant une grande diversité d’allures spécifiques.
Quel est le meilleur modèle d’entraînement ?
La grande revue "The effect of periodization and training intensity distribution on middle and long-distance running" montre que les modèles polarisé et pyramidal semblent plus efficaces que le modèle au seuil pour optimiser la répartition des intensités [1]. Pour autant, de nombreux athlètes de très haut niveau performent parfaitement avec une structure au seuil. La conclusion de tout cela (comme souvent) : il n’existe pas de modèle universel. Le choix dépend de nombreux paramètres :
les points forts/faibles de l’athlète,
le moment de la saison,
la fatigue accumulée,
le type d’objectif,
l’expérience,
la disponibilité temporelle,
etc.
Par ailleurs, il est même recommandé de faire évoluer le modèle d’entraînement au fil de la saison. Il pourrait être pertinent de débuter la saison par un modèle polarisé (travail de vitesse, VO₂max), et à l’approche de la compétition, basculer sur un modèle pyramidal ou au seuil (rythme spécifique).
Par exemple :
Pour une préparation marathon ?
→ début de saison : polarisé
→ bascule progressive vers du pyramidal / seuil dans la période spécifique (les 2 derniers mois avant la course)
Préparer un 5–10 km, un triathlon short ou trail court ?
→ un modèle polarisé peut totalement faire sens.
En vérité, le meilleur modèle est celui qui te fait progresser, qui respecte ton profil, qui s’intègre dans la durée, sans te blesser, ni t'épuiser. Et entre nous : je doute qu’il faille s’acharner sur quelques pourcentages de répartition par domaines. Il existe d’autres critères pour ajuster une planification. Mais ça… c’est encore une autre histoire 😉
Références
Kenneally, M, Casado, A, Santos-Concejero, J. (2018). The Effect of Periodization and Training Intensity Distribution on Middle- and Long-Distance Running Performance: A Systematic Review. Int J Sports Physiol Perform. Oct 1;13(9):1114-1121.





